Entraînement dans la forêt

Par un bel après-midi... tout était calme dans la forêt de Turquoise. Les rayons de soleil filtraient au travers du feuillage dense des arbres. Une petite brise faisait danser doucement les feuilles dans les arbres. Une branche craqua… un cerf sortit des buissons en trottinant tranquillement. Il grignota nonchalamment quelques feuilles à sa portée. Tout était silencieux… un peu trop silencieux. Il fit quelques pas sans remarquer les yeux violets qui l’observaient dans l’ombre d’une énorme souche. Il grignota quelques bouchées d’herbes hautes d’herbe sans se douter du destin funeste qui l’attendait… Il y eu un bruissement au loin.. Il se figea et dressa les oreilles, à l’affût. Mais il était trop tard… Une flèche affilée fendit l’air, lui transperçant l’abdomen. Il s’effondra sous la douleur… Il ne vit qu’une silhouette bondir vers lui, puis ce fut le trou noir.


Aymeric sortit son poignard et trancha la gorge de la bête agonisante pour mettre fin à ses souffrances le plus rapidement possible. Il attacha son arc en bandoulière, retira la flèche avant de la remettre dans son carquois, puis hissa le corps de l’animal sur ses épaules musclés et l’emporta jusqu’à son repère où il le laissa tomber sur le sol de terre. La biche était assez grosse.. cela lui permettra de manger pendant quelques jours. Le jeune hybride se pencha sur la bête, son poignard en main. Il ouvrit l'abdomen et vida l'animal de sa chair. Il garda un morceau de viande sanguinolent dans sa main et mit le reste dans une jarre à l'ombre. Il mordit à pleine dents dans le morceau de viande, ses dents acérées déchiquetant la chair aisément. Lorsqu'il eut terminé de manger, il enleva la peau de la bête et l'étendit plus loin... il s'en servirait probablement pour se faire une couverture. Il reprit la carcasse qui restait et alla la jeter plus loin... des animaux sauvages se chargeaient toujours de ce qu'il restait. Il se rendit tranquillement jusqu’à un petit ruisseau qui coulait non loin de là où il prit de l’eau au creux de ses paumes pour nettoyer sommairement le sang que la bête avait laissé sur ses épaules nues et ses mains.

Il revint à son repère et son regard violet se posa sur son épée… Un petit sourire se dessina sur son visage. Un petit entraînement à l’épée lui ferait du bien. Il se dirigea un peu plus loin dans la forêt, là où il avait attaché de grosses balles de foin après un arbre, puis se défit de son arc et de son carquois qu'il posa contre une souche tout près de lui. Il prit une inspiration et toisa l’arbre comme s’il s’agissait d’un adversaire. Il se plaça en garde, prêt à bondir comme un chat sauvage. Il attendit quelque secondes, puis s’élança. La lame de son épée siffla dans les airs et s’abattit violemment sur la balle de foin. Il reprit de plus belle, redoublant d’ardeur.

Elle était à la bibliothèque lorsque Ebroïm, le vieux magicien, se pointa dans la pièce, avançant de sa démarche lente, fatiguée, mais emprunte d'une sage force propre à lui. La jeune femme était concentrée sur un vieux livre qu'elle ne voyait plus vraiment, le coeur battant la chamade. C'est en se rongeant la lèvre inférieure qu'Ophelya redressa la tête vers le nouveau venu alors qu'il se plantait devant elle, l'air grave. Sans un mot, ils quittèrent tous deux la pièce et se rendirent à la tour du magicien. La jeune femme avait la tête qui lui bourdonnait et elle n'arrivait pas à s'expliquer la vision étrange qu'elle avait eue. Parce qu'il était le seul à qui elle osait se confier, l'ancienne princesse lui avait expliqué la situation, les yeux mauves à la pupille verticale et les doigts aux griffes acérées qui s'étaient imposés violemment à son esprit. Ses frères et soeurs d'armes étaient-ils en danger? Le continent était-il menacé par d'étranges créatures aux sombres desseins? Les questions s'étaient bousculées dans sa tête et c'est avec beaucoup d'appréhension qu'elle écouta son mentor lui parler de la prophétie qu'il avait lu dans les étoiles, plusieurs années auparavant.

- Tel que tu le sais déjà, un Unificateur a été désigné afin d'apporter la paix sur le continent. Cet individu est différent de toi et moi. Il est...

- Est-ce cette chose qui s'est imposée à moi? Coupa Ophelya en fixant le vieil homme.

D'ordinaire timide, la jeune femme s'était montrée quelque peu brusque. À l'instar d'un petit animal que l'on aurait réprimandé, Ophelya baissa presque aussitôt la tête lorsque le magicien la toisa d'un regard sévère. Sans tenir compte de la question posée, le vieil homme poursuivit en parlant de cet Unificateur si «différent». Était-ce cet être étrange qu'ils devraient retrouver?

-L'Unificateur possède sans aucun doute de grands pouvoirs qu'il n'est probablement pas en mesure de maîtriser... Selon les astres, il choisira lui-même son camp.

Le magicien prit place devant la jeune femme et poursuivit en la fixant de son regard clair.

Je crains que ta vision soit le signal des cieux en ce qui concerne l'identité de l'Unificateur. Il y a quelques jours, les astres ont révélé le royaume où était situé cet élu.

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Alors qu'elle fixait la forêt de Turquoise qui s'étendait devant elle, la femme chevalier se remémorait les paroles d'Ebroïm, la veille. Ses mains moites serraient étroitement les rennes de sa monture, un cheval à la robe d'un noir profond. Ainsi donc, cet Unificateur se trouvait ici. Quelque part sous l'épais couvert forestier. Comment devrait-elle l'aborder, elle qui n'était en aucun cas douée pour l'interaction avec autrui? Quelques gardes avaient quitté Émeraude pour l'accompagner. Elle même ne portait pas l'uniforme de l'ordre. Seule son épée témoignait de son ascendance au clan du Nord. Lorsqu'il fut arrivé à la lisière de la forêt, le petit groupe s'immobilisa, Ophelya descendit de sa monture, rapidement imitée par les autres. Elle n'était pas une meneuse, mais on lui avait demandé d'aller chercher cet Unificateur. Le magicien lui avait assuré que lorsqu'elle se retrouverait devant lui, elle le reconnaîtrait. Son essence, son physique, tout lui indiquerait sa véritable nature. Ils s'enfonçaient depuis de longues minutes dans la forêt sans trop savoir où ils allaient lorsque la jeune femme s'arrêta brusquement. Les chevaux s'ébrouèrent, certains échappèrent à la poigne de leur maître, les autres se cabrèrent. les craquements de branches attirèrent l'attention du groupe. Près à se défendre, tous s'apprêtaient à dégainer lorsqu'un ours se présenta à eux, démontrant toute sa force et sa supériorité en se montant sur ses pattes arrières. Les instants qui suivirent se déroulèrent à une vitesse folle. Ophelya savait pertinement que les gardes ne pourraient venir à bout de l'animal avec leurs épées et leurs dagues. C'était à elle de jouer.

- Dispersez-vous! S'écria-t-elle soudainement.

En aucun cas, elle était une meneuse née. Mais en ce moment, ses paroles avaient été plus fortes qu'elle. Son ordre ne fut pas discuté et les hommes s'éparpillèrent. Néanmoins, elle attira également l'attention de l'animal, qui s'élança vers elle. En étouffant un juron, la jeune femme piqua vers ce qui lui semblait être l'Ouest afin de distancer le monstre. En agrippant son arbalète, la brunette s'enfargea dans une racine, s'écrasa au sol puis se retourna vivement pour tirer une flèche qui se logea dans le flanc de l'ours. À quelques mètres devant elle, il hurla à plein poumons, encore plus en colère qu'au départ.

Non, ce n'était vraiment pas gagné.

Rapidement, Ophelya se redressa de toute sa petite taille, mais faute de chance, le sol se déroba sous ses pieds et en moins de deux, elle se retrouva à plat ventre, le souffle coupé, au bas de ce qui lui semblait être une côte. Sonnée, elle tenta de se redresser, puis sursauta brusquement alors qu'elle levait les yeux vers l'inconnu qui se trouvait devant elle, arme en main, la peau mauve et les iris aux pupilles de félin. Sa première réaction fut de crier, mais elle se retint de justesse. Son arbalète était tombée à quelques pas d'elle. Faute de dégainer sa propre arme, la jeune femme opta plutôt pour le «je viens en paix» en montrant ses mains .

- C'est l'ours, se contenta-elle de mentionner.

Le bruit de la lame qui sifflait dans le vent pour aller se heurter à la botte de foin se répétait depuis un long moment déjà. Simplement vêtu d’un pantalon de peaux, des gouttes de sueur ruisselaient sur la peau violacée d’Aymeric, faisant luire ses muscles découpés. Ses longs cheveux d’ébènes volaient derrière lui alors qu’il tournoyait et bougeait en tous sens.

Après plus d’une heure à s’entraîner, il s’arrêta un instant, la respiration haletante. Il se dirigea vers le petit ruisseau qui coulait tout près, posa un genou au sol et plongea ses mains violettes dans l’eau cristalline qu’il porta à ses lèvres. Il but de longues gorgées de l’eau fraîche et désaltérante, puis essuya ses lèvres du revers de la main.

Il se releva nonchalamment, puis retourna à son entraînement. Il leva son arme devant lui et allait assener un puissant coup dans la botte de foin lorsqu’un bruit étrange retentit derrière lui. Le bruit était tel qu’on aurait dit un animal qui courrait dans les feuilles… Quelque chose descendait rapidement l’escarpement près de lui.

L’arme au poing, Aymeric darda son regard violet sur l’endroit d’où venait le bruit. Depuis qu’il avait fuit sa prison avec sa mère, il appréhendait le jour où ses geôliers décideraient de revenir le chercher. Il avait donc toujours été un peu craintif. De plus, disons que l’attitude des humains envers son apparence étrange n’aidait en rien ses appréhensions. Incertain, il recula de quelques pas, prêt à se défendre de cette intrusion.

Quelle ne fut pas sa surprise, et son soulagement, de découvrir une jeune femme à la longue chevelure sombre atterrir brutalement au pied de l’escarpement. Elle semblait un peu sonnée de sa chute. Aymeric posa ses pupilles verticales dans les siennes, curieux de savoir ce qu’elle faisait là. Il baissa son arme et un léger sourire fit même frémir la commissure de ses lèvres… Il se trouvait un peu idiot d’avoir eu peur! Il sentit la peur de la jeune femme lorsque son regard se posa sur lui. Elle se releva rapidement les mains en l'air

- C'est l'ours!

Aymeric haussa légèrement un sourcil, ne comprenant pas de quoi la nouvelle venue parlait. Il étendit ses sens vers le haut de la côte et sentit en effet la présence d'un ours. Il allait en direction inverse et semblait blessé

Il murmura d'une voix timide

- Il est parti... êtes-vous blessée?

Il sentait quelque chose d'étrange... Était-ce la peur que ressentait la jeune femme qu'il ressentait? Il n'en savait rien. Son regard violet fuyait en tous sens, cherchant un endroit où aller se cacher. Habituellement lorsqu’il devait côtoyer d’autres gens, il portait sa cape de voyage pour cacher son apparence… mais là, vêtu seulement de ses pantalons, il ne pouvait rien faire. S’il avait pu, il aurait prit les jambes à son cou et serait parti. Mais sa mère lui avait apprit les bonnes manières. Alors il resta planté là, ses pupilles félines fixées sur ses pieds nus.

Des deux, il était difficile de savoir lequel semblait le plus sous le choc. Ophelya demeurait plantée à environ deux mètres de l'inconnu, les yeux ronds, la bouche pincée. À cet instant, elle était supposée réagir. Du moins, si elle avait été une personne normale, c'est ce qu'elle aurait fait. Cependant, mis à part son «C'est l'ours», aucune parole ne parvenait à franchir ses lèvres. Ses pupilles couleur de forêt fixèrent donc l'homme qui s'était adressé à elle d'une voix timide qui, de l'avis de la jeune femme, contrastait de manière impressionnante avec son physique.

Il est parti... êtes-vous blessée? Lui avait-il demandé.

Pendant un bref instant, elle se sentit réellement mal d'avoir blessé l'animal. Certes, il réussirait probablement à déloger la flèche à l'aide de ses dents, mais bon... non, elle n'était pas un soldat dans l'âme et l'idée de blesser une créature lui faisait mal au coeur. Enfin, elle savait pertinemment que si elle n'avait rien fait, il n'aurait pas hésité à la mettre en pièces. La brunette se mordilla la lèvre inférieure, descendit lentement les mains puis tenta de remettre ses cheveux en ordre sans lâcher son étrange interlocuteur des yeux. [i]

Non, je vais bien, [i]dit-elle en ignorant la douleur qu'elle avait à la jambe.

Aurait-elle réellement dit qu'elle avait mal quelque part? Non. Beaucoup trop orgueilleuse pour cela. Devant un inconnu, de surcroit! Des plans pour qu'il la pense toute faible et toute fragile. La mine de la jeune femme se renfrogna à cette idée et du haut de sa petite personne, elle se décida enfin à faire un pas vers l'individu. Trop renfermée sur sa propre réaction, Ophelya ne perçu pas le trouble de l'homme à la peau mauve. Enfin, pas avant une bonne trentaine de secondes. Trente très longues secondes. Elle, le dévisageait d'un air suspect, ignorant apparemment qu'elle aidait à son malaise. Ce n'est que lorsqu'elle vit ses yeux chercher quelque chose à quoi s'accrocher – quelque chose d'autre qu'elle- que la femme chevalier se rendit compte que sa présence le troublait profondément.

Un bref coup d'oeil suffisait pour comprendre que l'homme n'était pas habitué à côtoyer d'autres gens. Un sauvage en quelques sortes... alors qu'il se décidait à fixer ses pieds, à l'instar d'un petit garçon timide, Ophelya lui envoya une vague d'apaisement, plus pour éviter le malaise que par réelle compassion. D'une manière un peu mal saine, la jeune femme se sentait plus en confiance depuis qu'elle avait réalisé le trouble de l'individu. Ainsi, elle en profita pour remettre ses idées en places et sonder en surface l'étrange personnage. C'était d'abord ses yeux qui avaient attiré l'attention de la chevalière. Elle en était certaine, ces yeux s'étaient trouvés dans sa vision. Devant elle se trouvait-il réellement cet unificateur qu'elle était venue chercher? Malheureusement, elle le pensait bien. Le trouver avait été plus facile qu'elle ne l'avait imaginer. Enfin, restait à savoir si c'était bien lui. Étrangement, son intuition lui disait que oui, en plus des faibles et confuses visions qu'elle avait eu. Maintenant, comment pourrait-elle établir un contact?

- Cela vous paraîtra peut-être étrange, commença-t-elle en se donnant un peu de contenance, mais je vous cherchais.

Elle évita volontairement de mentionner la présence des gardes qui l'accompagnait et qui se trouvaient quelque part dans la forêt.

- Je me prénomme Ophelya. Je viens du royaume d'Émeraude. Quel est votre nom?

- Non, je vais bien

Aymeric su rapidement qu'elle ne disait pas la vérité... instinctivement, son don d'empathie lui disait qu'elle avait mal quelque part. Cependant, il n'osait pas contredire l'inconnue. Il ne voulait surtout pas qu'elle sache qu'il avait quelconques pouvoirs.

Soudain, la jeune femme avança vers lui. Aymeric sentit son estomac se serrer. Il recula de quelque pas, le regard fuyant en tous sens tel un animal pris au piège. Il se sentait dévisager... Le grand gaillard à la peau violacée ne put s'empêcher de détourner le regard. Il commençait à se sentir très mal à l'aise et son instinct lui hurlait de s'enfuir en courant... Intimidé par la présence de l'inconnue, le jeune hybride resta muet, fixant à nouveau ses pieds nus, ne souhaitant qu'une seule chose, retourner dans sa tanière.

Il ressentit une étrange vague de chaleur bienfaisante l'envahir... Cela l'étonna au plus haut point, car la dernière fois qu'il avait ressenti cela, c'était quand sa mère était en vie. Était-ce là l'oeuvre de l'étrangère? il n'en savait rien... mais cela aida à calmer sa peur un peu.

Cependant, cela ne dura pas très longtemps...

- Cela vous paraîtra peut-être étrange, mais je vous cherchais.

Aymeric sentit comme si le sol se dérobait sous ses pieds. Depuis tout petit, il avait toujours craint les humains. En fait, cette crainte était un peu du à sa mère. Cette dernière avait subie de telles atrocités qu'elle avait peur de tout le monde et elle avait transmis cette peur à son fils. Elle lui disait qu'ils devaient rester cachés pour ne pas être retrouvés par les hommes-insectes. La simple idée de retourner sur le continent sombre et froid suffisait à convaincre Aymeric de resté terré dans la forêt. Pourquoi cette jeune femme le cherchait, il n'en savait rien... Mais les seules personnes au courant de son existence étaient les créatures maléfiques d'Irianeth. Si elle le connaissait, c'était qu'elle avait été en contact avec eux! Tout en lui lui hurlait de fuir le plus loin possible. Mais il était tellement terrorisé qu'il n'arrivait pas à bouger un seul muscle.

- Je me prénomme Ophelya. Je viens du royaume d'Émeraude. Quel est votre nom?

Aymeric ne put s'empêcher de hausser un sourcil mauve et de répliquer dans un murmure, toujours en regardant ses pieds

- Vous me cherchiez... mais vous ne connaissez pas mon nom?

Puis en relevant la tête, il la regarda une fraction de secondes dans les yeux

- Pourquoi vous me cherchiez?

Tous ses sens étaient en alerte... son coeur battait la chamade dans sa poitrine. Il se sentait comme une proie prise au piège... Tous ses muscles étaient tendus, prêts à réagir en cas d'attaque. Le vent se leva faisant danser les branches des arbres au-dessus d'eux et virevolter les feuilles mortes au sol... Il soufflait de plus en plus fort, faisant voler en tous sens les cheveux d'Aymeric et de la jeune femme. Le regard félin du jeune hybride cherchait furtivement un moyen de s'enfuir très loin. Instinctivement, sa main se crispa sur la garde de son épée et il leva son poing armé devant lui, prêt à se défendre. Il jeta un très bref coup d'oeil à son carquois et son arc qui étaient à quelques pas, tout près de l'arbre...

Et elle s'était royalement plantée! «Vas chercher l'Unificateur» lui avait imposé le magicien. Facile à dire! Ophelya avait pensé bien réagir en se présentant et en expliquant le but de sa présence. Mais à voir l'air horrifié du jeune homme à la peau mauve, elle était loin d'avoir visé juste. C'est à cet instant précis que la jeune femme réalisa qu'elle se trouvait en présence d'un individu à part des autres. En marge de la société à un très haut niveau. Pendant un bref moment, alors que l'homme à la peau mauve fuyait son regard pour une énième fois, Ophelya ressenti une certaine pitié en plus d'une incompréhension pure et simple envers cet être si différent. À vrai dire, à sa réplique concernant son incapacité à connaître son nom, la femme chevalier ne sut que répondre. Elle entrouvrit la bouche. La referma. Cet instant d'hésitation fut de trop. Cet instant permis à l'hybride de prendre le dessus, une fraction de seconde, et de redresser la tête vers elle, de planter ses pupilles verticales dans les siennes.

C'est elle qui baissa alors les yeux, soudainement intimidée par l'imposante anormalité de son interlocuteur. Pourquoi elle ne connaissait pas son nom? Mais parce que ses visions n'avaient pas montré ce détail. Point final. Cependant, que devait-elle répondre à une créature qui ne lui faisait pas confiance et qui ne comprenait ni qui elle était, ni pourquoi elle était là?

Ses iris verts fixant les branches mortes qui jonchaient le sol, près de son pied gauche, Ophelya ne trouva rien à répondre. Encore une fois, elle gaffa.

Pourquoi vous me cherchiez?

«Parce que tu es celui qui va sauver notre monde», pensa la jeune femme sans oser mentionner sa réplique à haute voix. Visiblement, le jeune homme s'énervait de plus en plus, devenant méfiant à son égard et probablement prêt à se défendre. Les craintes d'Ophelya se manifestèrent lorsqu'il posa la main sur la garde de son épée. Au même moment, le vent sembla se lever en bourrasque impressionnantes, quelque part au dessus des arbres. Instinctivement, la belle leva les yeux vers la cime des feuillus, puis ramena son intention sur l'hybride. Si sa première réaction était de dégainer son arme et de sauver sa peau, Ophelya décida d'agir autrement, quitte à le regretter. Elle leva ses paumes bien en évidence afin de montrer qu'elle ne souhaitait pas lui faire de mal. Ne portant pas son uniforme, elle n'avait rien de bien menaçant et elle devait admettre qu'en cet instant, c'était cet homme, qui la dépassait de bien deux têtes, qui était le plus effrayant. Lorsque l'inconnu dégaina, prêt à combattre, Ophelya jura silencieusement.

Lentement, elle glissa sa main gauche jusqu'à sa ceinture, en sorti son poignard avec précaution, le laissa tomber, puis déposa son arc à flèche au sol. Elle n'était plus armée. Seuls ses pouvoirs demeuraient encore bien présents.

Je ne suis pas ici pour vous faire du mal.

Comme pour appuyer ses paroles, la jeune femme recula d'un pas.

De toute façon, si vous m'avez bien regardée, je suis plutôt mal partie si nous sommes pour combattre au corps à corps...

Elle fit un signe évident pour insinuer qu'il devait faire le double de son poids et que de toutes évidences, elle ne se risquerait pas à le combattre. Elle devait bien le mettre en confiance, non? Enfin, elle devait au moins essayer...

Si je ne connais pas votre nom, c'est parce qu'on ne me l'a tout simplement pas dit. On m'a seulement informé que vous étiez un individu très spécial et que je ne devais pas vous faire de mal.

Elle fit une légère pause, ses craintes de petite fille refaisant surface. Mais peut-être ce défaut lui serait-il utile.

Je suis désolée de vous avoir fait peur, je...

soudain, une idée lui vint en tête. Afin d'aboutir à Turquoise, Ophelya et son groupe s'étaient dirigés à l'aide d'une carte. La jeune femme fit donc signe à son interlocuteur qu'elle tirait quelque chose de la pochette qui était accrochée à sa taille. Elle fit bien attention de ne pas faire de mouvements brusques et elle se rendit compte que ses mains tremblaient. La honte! Délicatement, avec le plus de lenteur possible, elle déplia le parchemin qu'elle avait en mains. Il s'agissait d'une carte du continent, montrant tous les royaumes d'Enkidiev, Irianeth, et une parcelle des territoires inconnus. Elle montra la carte à l'hybride, puis pointa le royaume d'Émeraude.

- Je viens d'ici. Mes amis et moi sommes les défenseurs de notre continent. Nous tentons de préserver la paix. Et nous avons besoin de votre aide...

Peu certaine que sa réaction aurait du succès, la jeune femme déglutit et attendit la réaction de l'autre.

Aymeric sentit que la jeune femme avait peur. Au moins il avait l'avantage...à moins que ce n'était qu'un subterfuge pour lui faire baisser sa garde. Pour la première fois depuis l'arrivée de la jeune femme, l'hybride la regarda droit dans les yeux, espérant la faire reculer. Son instinct de survie venait d'embarquer...

C'est alors qu'il capta une pensée, malgré lui

«Parce que tu es celui qui va sauver notre monde»

Aymeric se figea, interloqué. Puis haussa un sourcil. Hein? Il allait sauver le monde??? Mais de quoi parlait-elle. Elle ne pouvait parler de lui, ça il en était certain.

C'est alors que la jeune femme leva les paumes en l'air. Elle glissa lentement sa main à sa ceinture pour sortir son poignard et le laissa tomber avant de déposer également son arc au sol. Elle n'était plus armée

- Je ne suis pas ici pour vous faire du mal

Lorsque l'inconnue recula d'un pas, Aymeric baissa son épée et se détendit un peu. Elle n'était peut-être pas là pour le ramener sur le continent noir

- De toute façon, si vous m'avez bien regardée, je suis plutôt mal partie si nous sommes pour combattre au corps à corps...

Le jeune hybride ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire en coin. En effet, il était beaucoup plus grand et plus costaud qu'elle. De plus, il savait très bien qu'il avait des pouvoirs qu'elle ne soupçonnait pas.

- Si je ne connais pas votre nom, c'est parce qu'on ne me l'a tout simplement pas dit. On m'a seulement informé que vous étiez un individu très spécial et que je ne devais pas vous faire de mal.

Il pouvait sentir sa peur... IL lui faisait peur. Rien de bien nouveau... il avait toujours fait cet effet là aux gens. C'était entre autre pour cette raison qu'il portait toujours une longue cape à large capuchon lorsqu'il devait se rendre où il y avait des gens. Son apparence inhabituelle mettait les gens mal à l'aise et les effrayait.

- Je suis désolée de vous avoir fait peur, je...

Soudain, elle porta la main à sa ceinture et sortit quelque chose d'une petite pochette.... Cela ressemblait à un parchemin. Avec beaucoup de lenteur, elle déplia le parchemin. Le jeune homme remarqua que les mains de l'inconnue tremblaient... Il lui faisait vraiment si peur? Subtilement, il lui envoya une vague d'apaisement. Il savait qu'une personne apeurée pouvait réagir très spontanément et il ne voulait surtout pas qu'elle lui saute dans le dos sans crier gare.

Aymeric reporta son attention sur le parchemin et vit qu'il s'agissait d'une carte. Il se résigna à approcher de la jeune femme. Il se sentait un peu plus détendu, mais restait tout de même alerte. Il jeta un coup d'oeil sur la carte. Il pouvait reconnaître certains noms de Royaumes dont sa mère lui avait parlé.. mais d'autres qui ne lui disaient absolument rien. Lorsque son regard se posa sur le continent d'Irianeth, un long frisson d'horreur lui traversa le corps en entier. Un flot d'images lui revint à l'esprit en rafale... La pierre froide de sa prison, ses chaînes, la plage rocailleuse, les immenses monstres, l'océan sans fin... Il secoua légèrement la tête pour chasser ces souvenirs douloureux.

La voix de la jeune femme le ramena à la réalité

- Je viens d'ici

Il remarqua qu'elle lui pointait le Royaume d'Émeraude. Il se souvint que sa mère lui en avait brièvement parlé. Il remarqua que ce Royaume n'était pas très loin d'où il était, sachant qu'il se trouvait à Turquoise.

- Mes amis et moi sommes les défenseurs de notre continent. Nous tentons de préserver la paix. Et nous avons besoin de votre aide...

Aymeric haussa à nouveau un sourcil et leva son regard félin dans celui de la jeune femme

- Je ne comprends pas... Vous avez besoin de mon aide.. Qui vous a envoyé me chercher? La personne qui vous a envoyée me connait donc... Pourquoi moi? En quoi je pourrais vous aider à faire quoi que ce soit?